Comme les hommes, les femmes aussi regardent de la pornographie, à la différence qu’elles culpabilisent une fois le contenu consommé, comme s’il s’agissait d’un « péché » exclusivement masculin. Dans l’ouvrage « Pornografilles », la journaliste Jane Roussel dissèque ce rapport complexé des femmes à l’univers du X et met à mal ce tabou.
Pendant des siècles, la sexualité a été une affaire d’hommes. Seuls ces derniers devaient en parler publiquement, exprimer leurs fantasmes et même ressentir du plaisir. Si une femme osait en faire de même, elle passait pour une catin. Même l’église a contribué à faire du sexe un péché chez la femme, depuis Ève. Mais, avec le temps, la gente féminine s’est libérée du diktat masculin.
Plus d’un tiers des Françaises matent de la pornographie
Aujourd’hui, les femmes parlent ouvertement du sexe, sans gêne, sans avoir peur du jugement des hommes. Toutefois, la plupart se culpabilisent encore de regarder du porno, même entre les quatre murs de leur chambre. La faute à la persistance de nombreuses injonctions autour de la sexualité féminine. Pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à mater du X et donc à se faire mal psychologiquement. En 2023, une étude de l’Ifop indiquait que 37 % des Françaises ont déjà visité un site pour adultes. Pornhub, acteur majeur de la pornographie, indique également dans son dernier rapport annuel que la proportion de femmes ayant visité sa plateforme était passée de 24 % en 2015 à 38 % en 2024.
La culpabilité s’installe dès l’enfance
Face à ces contradictions, la journaliste Jane Roussel a mené une vaste enquête auprès de femmes de 17 à 80 ans pour comprendre le rapport ambigu de ces dernières à la pornographie. Elle a rapporté ses résultats dans un livre intitulé « Pornografilles ». Dans cet ouvrage publié aux Editions Dalva, Jane Roussel compile de riches échanges et des confidences. Elle décortique comment le tabou s’installe dès l’enfance et comment les filles grandissent avec l’idée que la masturbation et les fantasmes sont réservés aux hommes. L’autrice explique également pourquoi les femmes visionnent du porno en dépit des injonctions de la société. Et surtout elle tente de trouver une thérapie collective pour que les femmes se libèrent enfin de leur fantasme, sans honte ni culpabilité.
La pornographie c’est juste du cinéma
Selon Jane Roussel la libération passera d’abord par une rééducation des filles. Celles-ci sont trop souvent confrontées aux scénarios sexistes diffusés par le mainstream, à savoir des scènes très patriarcales et viriles, de la violence ou encore de la contrainte présentée comme du sadomasochisme. Ces contenus peuvent exciter certaines femmes, mais la plupart d’entre elles pensent se trahir en fantasmant là-dessus. En tant que féministes, se plaire à visionner des contenus aussi dégradants pour la femme peut paraître contradictoire. Jane Roussel appelle à faire de la sensibilisation et de la pédagogie pour briser ces barrières invisibles. Des spécialistes doivent notamment faire comprendre aux jeunes filles que tous ces films porno c’est juste du cinéma, que ce n’est pas la réalité. Ils doivent également les inciter à s’ouvrir au dialogue et à poser les bonnes questions pour être éclairées sur la sexualité.