Jeux vidéo : des ex cadres d’Ubisoft condamnés pour harcèlement sexuel et moral 

Mercredi 2 juillet, le Tribunal correctionnel de Bobigny a condamné, à des peines de prison avec sursis, trois anciens cadres d’Ubisoft pour harcèlement sexuel ou moral. Pendant des années, ces dirigeants ont passé leur temps à rabaisser, insulter ou sexualiser des collègues sous couvert de ce qu’ils concevaient comme « la culture Ubisoft ».

Des condamnations exemplaires pour une culture toxique. Mercredi 2 juillet, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné trois anciens cadres d’Ubisoft à des peines de prison avec sursis pour des actes de harcèlement moral et sexuel. Ce verdict, perçu comme un point de départ du « MeToo du jeu vidéo », met en lumière une « culture Ubisoft » longtemps dénoncée. Il est le résultat d’enquêtes menées dès 2020 par le quotidien Libération et le média en ligne Numérama.

« bitch » ou « morue » en guise de salut

Thomas François (53 ans), ex vice-président du service éditorial d’Ubisoft, a écopé de la peine la plus lourde, en prenant trois ans de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende pour harcèlement moral, harcèlement sexuel et une tentative d’agression sexuelle. Figure de proue de l’entreprise pendant plusieurs années avant d’être licencié pour faute grave après les révélations dans la presse, il a imposé un environnement de travail délétère entre 2012 et 2020.

Le dirigeant a notamment contraint une jeune subalterne en jupe à faire le poirier au milieu de l’open space. Il aimait aussi employer des termes injurieux comme « bitch » ou « morue » en guise de salut, et jouer à chat-bite ou embrasser des collègues masculins par surprise…

Les enquêtes sur les dirigeants d’Ubisoft ont été ouvertes en 2020

Interrogé pendant le procès, Thomas François a admis au tribunal avoir « manqué de recul », pensant à l’époque « respecter les gens »…Excuse plutôt louche. De son côté, Serge Hascoët (60 ans), ex-numéro 2 et directeur créatif, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 45 000 euros d’amende pour harcèlement moral et complicité de harcèlement sexuel. Lui avait démissionné à l’été 2020 dès que les enquêtes de Libération et Numérama ont été publiées. Au tribunal, il a nié avoir été au courant des agissements dans son bureau vitré, alors que des bizutages dégradants se déroulaient à proximité.

Des employés recevaient des tâches n’ayant rien à voir avec leur travail à Ubisoft

Le tribunal a relevé son incapacité à distinguer vie professionnelle et personnelle, en imposant à ses assistantes des tâches sans rapport avec leur travail. Comme les envoyer chercher sa fille à l’école ou acheter des cacahuètes. Le ministère public estime que ses assistantes de direction ont été soumises à des « caprices ». Serge Hascoët a aussi étonné tout le monde au procès quand il a déclaré que tout ceci « c’est aussi ce qu’on voit dans les films ». Ce à quoi la présidente du jury a répondu : « Les films, ça n’est pas la réalité ».

Un troisième dirigeant jugé moins sévèrement

Le troisième cadre, Guillaume Patrux, a été condamné à 12 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende, pour harcèlement moral. L’ancien « game director » d’Ubisoft a été jugé moins sévèrement. Dans son réquisitoire, le procureur a expliqué que les actes de harcèlement moral de M. Patrux avaient été « à une échelle plus réduite que Serge Hascoët et Thomas François, mais particulièrement intense pour son équipe ». Durant le procès, les avocats de la défense ont sans cesse répété que leurs clients n’avaient reçu « aucun avertissement disciplinaire, aucun entretien avec les RH » pour mesurer les écarts de leur comportement.

« Une très bonne décision pour la suite »

Pour leur part, les parties civiles regrettent que la personne morale Ubisoft, son PDG Yves Guillemot et sa responsable des ressources humaines Marie Derain n’aient pas fait l’objet de poursuites dans ce dossier. Maude Beckers, avocate des parties civiles, s’est félicitée toutefois du verdict à l’AFP. Pour elle, le verdict des trois dirigeants est « une très bonne décision aujourd’hui et également pour la suite ». Il enverrait un message, que « quand on a un management toxique, les managers doivent être condamnés ».

Ubisoft, un géant des jeux vidéo

Pour rappel, Ubisoft est un studio français, leader mondial dans le développement des jeux vidéo. Le groupe a produit plusieurs opus, dont le plus célèbre est Assassin’s Creed. Ce jeu s’est vendu à plus de 155 millions d’unités et a enregistré 155 millions de joueurs uniques, selon des données de 2023 de Statista. Ubisoft a bâti d’autres franchises majeures, comme Far Cry et Rainbow Six, qui ont également rencontré un grand succès. Cependant, l’entreprise a récemment connu des difficultés financières, avec une perte nette de 159 millions d’euros pour l’année fiscale 2024-2025.

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