Les terribles affaires de meurtre de femmes, qui secouent la France remettent à chaque fois sur le tapis, une notion inconnue en France, le « féminicide ». Il s’agit selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé « tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes ». Ce concept est largement répandu dans de nombreux pays d’Amérique latine par exemple. Par contre le droit pénal français refuse de consacrer le féminicide.
Actuellement, c’est la terrible affaire d’Alexia Daval, une jeune femme retrouvée morte dans un bois du département de Haute-Saône qui remet le terme à l’honneur, elle a été tuée par son mari. Le terme n’est pas vraiment nouveau, car il apparaît au XIXe siècle, mais il faut attendre le début des années 1990 pour qu’il soit plus largement utilisé. C’est un livre Femicide, The Politics of Woman Killing écrit par Jill Radford et Diane Russell, qui popularise le concept. La particularité du féminicide par rapport à d’autres meurtres de femmes selon Muriel Salmona psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, se situe lorsqu’il y a un contexte inégalitaire, « la femme est tuée sous prétexte qu’elle est une femme » et elle persiste « l’homme peut se considérer comme ayant le privilège de posséder la femme, d’avoir un droit sur elle« .
En 2015, le terme entre dans les dictionnaires, et le Petit Robert le renseigne en tant que « meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe ». Cependant, attention, tous les hommes coupables de ces assassinats, ne tuent pas, par haine au genre féminin. Ils sont plutôt dans une situation de pouvoir ou de domination par rapport à leur victime. C’est en cela que le féminicide se distingue et qu’il a des particularités propres par rapport à un homicide masculin.
Le terme et le chef d’accusation est déjà en pratique dans les pays d’Amérique du Sud, car ces types de meurtres sont beaucoup plus importants. En Inde, il existe, ce qu’on appelle des « féminicides liés à la dot », où des femmes sont tuées en raison d’une dot insuffisante. Dans certains pays, on retrouve aussi des « crimes d’honneur », des femmes sont tuées pour « sauver l’honneur de la famille », parce qu’elles ont épousé un homme d’une autre caste.
En France comme en Europe, le mouvement est plus timide. Le débat autour de la reconnaissance du terme « féminicide » dans le droit pénal n’est pas nouveau et son importation éventuelle divise. Cependant, il faut rappeler que dans le même temps, les incriminations liées à la qualité de la victime, comme le parricide ou l’infanticide, ont disparu en 1994 dans le Code pénal et introduire le féminicide est donc considéré comme contraire à cette démarche. Depuis le 27 janvier 2017, le sexisme est cependant considéré comme une circonstance aggravante et entraîne une aggravation de peine.
Muriel Salmona, insiste sur le fait que la reconnaissance juridique ne sous-entend pas qu’un féminicide est plus grave qu’un autre crime, mais parce qu’il concerne potentiellement la moitié de la population et que donc, il prend une autre dimension. L’association Osez le féminisme de son côté, rappelle que comme pour toute chose, « pour combattre le féminicide, il faut commencer par le nommer ».
Crédit photo : Denis Bocquet
En lien avec votre article et ce combat du féminicide, plasticienne engagée, j’ai réalisé une installation dans un centre d’art sur le violences faites aux femmes. Intitulée « Loi n°2010-769 », elle rend tristement hommage aux 130 femmes décédées en 2018 en France et à toutes les autres décédées dans le monde, victimes de leur partenaire ou ex-partenaire. A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/loi-n2010-769_2.html
Et aussi une série de dessins This Is Not Consent : https://1011-art.blogspot.com/p/thisisnotconsent.html
Ces séries ont été présentées à des lycéens, quand l’art contemporain ouvre le débat …