Forestières : des carrières professionnelles hors des sentiers battus

Les entreprises de la filière forêt-bois recrutent des forestiers et des forestières. Ces dernières sont nombreuses à avoir investi le secteur afin de contribuer à entretenir les forêts françaises. 

Les forêts françaises, qui couvrent 31 % de la surface du territoire métropolitain (17 millions d’hectares), ont un rôle de premier plan à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. A condition qu’elles soient en bonne santé. Une mission à laquelle de nombreuses professionnelles participent au quotidien. Sylvicultrices, conductrices d’engins, forestières, directrices de scierie, techniciennes…les femmes ont progressivement investi la filière. Dans de nombreux secteurs, en France et partout ailleurs, pléthore de métiers sont encore trop estampillés « masculin » – dans les faits comme dans les consciences. Ce n’est plus le cas de la forêt.

Dans l’Aisne et dans l’Oise (Hauts-de-France), Marion, quinze ans, et sa mère Sylvie, jardinière paysagiste de profession, enfilent leurs bottes et se retroussent les manches ; depuis la fin du premier confinement, à l’été 2020, mère et fille arpentent la forêt familiale afin d’identifier les arbres malades (frênes, entre autres), comme elles l’expliquent dans un épisode du podcast « Passeurs de forêts ». Les propriétaires y expliquent comment elles gèrent leurs parcelles. Marion s’inquiète : est-il bien utile de penser à l’avenir de la forêt si la maladie, ou la tempête, peut, en un rien de temps, venir tout bouleverser ? 

« Travail du vivant »

Face au temps long de la forêt, la responsabilité de la forestière est de garantir l’équilibre et de le documenter pour les générations à venir, explique Sylvie. L’idée, derrière le plan de gestion durable de leur forêt ? Ne pas en faire un simple « champs d’arbres », mais bien au contraire un réel vivier de diversité (essences, âges, biodiversité, etc.). « Il y a de plus en plus de femmes dans la forêt. Ça reste minoritaire, certainement, car c’est un choix de vie qui peut paraître ingrat pour une jeune femme, mais il y en a beaucoup qui sont attirées par le travail du vivant. Et pas qu’en pépinière », explique une propriétaire forestière des Landes dans un autre épisode du podcast. Qui l’assure : les « jeunes […] veulent vraiment investir leur vie dans […] un avenir viable pour la planète ». Il n’y a qu’à regarder, depuis quelques années, les marches pour le climat, organisées de manière quasi hebdomadaire, dans les villes du monde entier, pour s’en convaincre.

Mais pourquoi la forêt ? Pour Céline Puech, forestière de l’Office national des forêts (ONF), ces métiers regroupent « beaucoup de disciplines : géologie, pédologie, climat, gibier, gestion forestière, maladies des arbres, accueil du public, commercialisation des bois, techniques d’exploitation, préservation d’espèces ou de milieux à enjeu »… Ce caractère généraliste et multidisciplinaire des métiers de la forêt invite « à demeurer humble, estime-t-elle, car on apprend de nouvelles choses tous les jours. » D’autant plus que le métier évolue. La figure de l’ermite a fait long feu. Dorénavant, il faut prendre en compte les « attentes sociétales vis-à-vis de la forêt » ; les contacts, avec le public, les politiques, les chasseurs, font partie du quotidien. « On n’est pas des hommes des bois, on communique avec énormément de monde, les élus, les promeneurs, les partenaires », abonde Laure, une technicienne forestière territoriale de l’ONF. 

Dominique Pirio, femme pionnière

S’il existe une marge de manœuvre encore significative pour permettre à plus de femmes d’accéder au secteur, les passionnées peuvent s’appuyer sur certaines figures pionnières en la matière. Comme Dominique Pirio, aujourd’hui formatrice dans le milieu forestier dans le Morbihan et aussi membre de l’association Clim’actions, qui replante des arbres avec le soutien d’entreprises locales. Dans les années 70, « ils ne prenaient pas de filles », se souvient-elle. Sa carrière débute à l’école des bûcherons de Charleville-Mézières, où elle passera l’examen final… avec une dérogation. Avant de devenir l’une des premières bûcheronnes de Bretagne.

Aujourd’hui, les jeunes femmes qui se forment aux métiers de la forêt ne sont plus des exceptions. Il est même rare de trouver une classe de gestion forestière sans présence féminine, estime François Schouver, ancien enseignant formateur en BTSA GF (gestion forestière) à Mirecourt (Vosges). Au départ majoritairement « conjointes-collaboratrices », le statut des femmes en entreprises de travaux agricoles évolue : « Elles sont désormais gérants, assistantes de direction, conductrices de travaux, techniciennes forestières, etc. », indique la Fédération Nationale Entrepreneurs Des Territoires (FNEDT), une organisation professionnelle qui rassemble les entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux.

« Être dehors…cela a fait une vraie différence. »

Et c’est tant mieux. Comme de nombreux métiers « masculins », la forêt fait face à un curieux (et problématique) paradoxe : le secteur est attractif – depuis les confinements successifs, de nombreux Français ont « redécouvert » l’extérieur, et souhaitent désormais se réorienter pour être en contact avec la nature –, mais il peine à trouver les candidats. Travailler à l’extérieur : c’est ce qui a conduit Emilie à se diriger vers le secteur forestier, après une journée passée en forêt à l’occasion d’un stage. Aujourd’hui chargée de sylviculture et de conseil forestier dans le Gers, la jeune professionnelle de 25 ans reconnaît que : « Le contact avec les propriétaires forestiers, avec la nature, le fait d’être dehors…cela a fait une vraie différence.» Selon l’observatoire des métiers de la filière forêt-bois, dans les prochains mois, 76 000 recrutements sont prévus, mais 53 % des employeurs redoutent des difficultés d’embauches. Qui pourraient être levées, en partie, avec l’inclusion des femmes dans le secteur. Pour faciliter les recrutements, une plateforme nationale à destination des candidats et des recruteurs a été mise en ligne. L’objectif : recenser l’ensemble des offres d’emplois, de stages et d’alternances à pourvoir partout en France.  

 

Pas encore de commentaires

Les commentaires sont fermés