Traditionnellement, la restauration de la nature rime avec reboisement. Mais une nouvelle étude belge montre que la reforestation n’est pas toujours à préconiser. Il faut parfois prendre en compte les incendies, les herbivores et certains choix humains.
D’habitude, quand on parle de restauration de la nature, on fait allusion à la reforestation. En témoigne tous ces projets de reboisement à travers la planète. Mais plusieurs de ces programmes de plantation d’arbres se sont soldés par des échecs, très bien documentés dans la littérature scientifique. Cela s’explique par le fait que cette approche binaire – forêts ou rien – omet la richesse des écosystèmes, le plus souvent ouverts : savanes, prairies, broussailles, zones semi-désertiques.
Il existe d’autres états pour la restauration de la nature
Dans une étude qui vient de paraitre dans Nature Communications, des chercheurs et chercheuses belges proposent un changement de paradigme. Ils montrent qu’il existe d’autres états naturels possibles, tout aussi légitimes, à prendre en compte quand pour la restauration de la nature. « Dans notre étude, nous avons voulu adopter une approche plus holistique. Il ne s’agit pas seulement de restaurer des forêts, mais aussi de considérer d’autres écosystèmes, comme les milieux ouverts et les zones dominées par des herbacées », résume le Professeur Jean-François Bastin, de Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège, et coauteur de ce travail de recherche.
La restauration de la nature peut être passive ou active
Cette étude réalisée sur cinq années mesure également combien le climat, le feu et les herbivores marquent les paysages naturels. En effet , il existe d’autres stratégies pour redonner vie à l’environnement qui nous entoure. Certaines sont dites de restauration active, comme la plantation d’arbres et les interventions humaines. D’autres relèvent de la restauration passive, qui mise sur les processus naturels des écosystèmes. Ainsi, dans certaines parties de la planète, restaurer un milieu naturel peut impliquer de retirer des plantes afin de redonner vie à des tourbières, comme en Belgique, ou d’allumer volontairement des incendies comme chez les peuples d’Afrique centrale.
Un outil pour déterminer l’écosystème le plus adapté à un milieu, en fonction des conditions environnementales locales
Dans le cadre de son travail, l’équipe de recherche belge a développé un modèle innovant, une véritable « boîte à outils » destinée aux décideurs et aux gestionnaires de la nature. Ce modèle permet de déterminer l’écosystème le plus adapté à un milieu, en fonction des conditions environnementales locales. Évolutif, il repose sur plus de 40 000 relevés écologiques issues de 17 000 zones protégées, et de six grands ensembles de données climatiques, qui ont été combinés à l’aide de l’IA (réseaux neuronaux). Les scientifiques ont eu recours à Claude Garcia pour poser les bases théoriques et les traduire en scénarios « et si… ? ».
43 % des terres émergées pourraient être naturellement boisées
Grâce à ce formidable outil, les chercheurs ont pu identifier les formes de végétation que chaque région de la planète pourraient naturellement supporter. Selon leurs résultats, 43 % des terres émergées pourraient être naturellement boisées, 39 % pourraient accueillir des végétations basses (herbacées ou arbustives) et 18 % laisser s’épanouir un sol nu (hors surfaces glacées). Par ailleurs, la modélisation a permis d’identifier environ 675 millions d’hectares où plusieurs états de végétation pourraient prospérer, selon la manière dont le feu ou l’herbivore sont gérés. Autrement dit, les paysages peuvent basculer, à gestion équivalente, entre forêts et savanes, ou entre broussailles et prairies.
La gestion des facteurs écologiques dans la restauration de la nature pourrait contrer l’impact du réchauffement
Outre l’outil de simulation, l’étude propose une cartographie innovante du potentiel végétal mondial, tenant compte des incendies et des herbivores, afin de mieux orienter la restauration des écosystèmes. Les modèles et les cartes sont désormais disponibles en ligne. Ils doivent aider les gestionnaires, les associations et les pouvoirs publics à prendre des décisions éclairées en matière de restauration écologique. Selon les chercheurs belges, la gestion des facteurs écologiques dans la restauration de la nature pourrait contrer l’impact du réchauffement climatique sur le paysage à l’horizon 2050. Ils pensent que leur étude pourrait également aider l’ONU, qui a proclamé la période 2021 à 2030 « Décennie pour la restauration des écosystèmes ».