Pérou : le pouvoir de Fujimori jugé pour des stérilisations forcées

Au Guatemala, la Cour interaméricaine des droits de l’homme juge le cas de Célia Ramos, une des victimes des stérilisations forcées au Pérou dans les années 1990. Le procès, qui s’est ouvert jeudi, pourrait être celui de l’ancien président Alberto Fujimori et de son gouvernement accusés par les militants des droits de l’homme de crime contre l’humanité .

Il aura fallu près de 30 ans pour que la justice ouvre enfin un procès. Depuis jeudi 22 mai, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) se prononce au Guatemala sur le cas de Célia Ramos, une femme péruvienne morte en 1997 suite à des complications d’une ligature des trompes forcée. Cette mère de 34 ans était décédée 19 jours après son opération chirurgicale qui lui avait provoqué une insuffisance respiratoire. L’intervention faisait partie d’un programme national de planification familiale au Pérou dans les années 1990.

Les victimes principalement issues de la communauté amérindienne

Entre 1996 et 2000, au Pérou, environ 270 000 femmes et 22 000 hommes ont été stérilisés dans le cadre de ce programme de contrôle de la natalité. La plupart des victimes appartiennent à la communauté amérindienne et ne parlaient pas toujours l’espagnol. On les aurait trompées sur la nature réelle de ces opérations. L’objectif du président de l’époque, Alberto Fujimori, et de son exécutif était de réduire la pauvreté. Pour la justice péruvienne, l’ex chef d’État et son gouvernement avaient simplement l’intention de stériliser tous les pauvres.

L’État péruvien pourrait accorder des indemnisations aux victimes des stérilisations forcées

En cas de reconnaissance du crime, la décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme pourrait obliger l’État péruvien à accorder des réparations, selon l’Association des femmes péruviennes victimes de stérilisations forcées (AMPAEF). Cette organisation se bat depuis plusieurs années pour les victimes de la campagne massive de stérilisations forcées de Fujimori. Au-delà des indemnisations, elle espère que les autorités demanderont enfin pardon et exprimeront leur solidarité aux victimes. Sa présidente Rute Zuniga croit que les réparations auront bientôt lieu malgré la lenteur du processus judiciaire.

Les stérilisations forcées, un crime contre l’humanité

Marisela Monzón Ramos, l’aînée des trois filles de Celia Ramos, qui se trouvait à Guatemala City pour assister à l’audience de la CIDH, pense que l’ouverture du procès représente « un grand pas en avant » pour sa famille compte tenu des années de lutte. Elle espère que l’État péruvien sera « tenu pour responsable ». Pour beaucoup de ses compatriotes, la politique de stérilisation forcée pourrait constituer un crime contre l’humanité car elle viole notamment le droit à l’autonomie des victimes en matière de reproduction.

Une très longue procédure

La procédure judiciaire concernant le cas de Célia Ramos a débuté en 2010 quand une ONG péruvienne de défense des droits des femmes nommée DEMUS avait saisi la CIDH. Onze ans plus tard, un rapport de la Commission a déclaré l’État péruvien responsable de la violation des droits de la défunte et a exigé l’adoption de mesures de réparation et de non-répétition. Mais le Pérou n’a pas mis en œuvre les recommandations. L’organe a alors dû renvoyer l’affaire devant la Cour interaméricaine en juin 2023.

Alberto Fujimori condamné à 25 ans de prison pour des tueries

En 2024, le comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination envers les femmes a également exhorté le Pérou à indemniser les victimes du programme de stérilisation forcée d’Alberto Fujimori, estimant qu’il pourrait relever d’un crime contre l’humanité. Trois plus tôt, en décembre 2021, un juge a ouvert une enquête visant l’ex-président péruvien et trois de ses anciens ministres de la Santé pour leur responsabilité présumée dans cette affaire. Fujimori est décédé en septembre 2024 d’un cancer de la langue. Il avait été condamné à 25 ans de prison par la justice péruvienne pour des tueries perpétrées sous prétexte d’opérations de contre-guérilla.

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