Le particularisme comme universalisme dans l’art

Lieu de tous les particularismes sociologiques, ethnologiques, culturels, linguistiques et politiques, l’art n’en est pas moins un carrefour des civilisations, point de contact entre des peuples que tout oppose. Un paradoxe qui peut être exprimé autrement, en soulevant deux propositions corrolaires : si la globalisation éloigne, l’affirmation de sa singularité rapproche. Etonnant ? Pas tant.

Au centre, l’homme d’affaires et mécène Eric Cormier

La partition du monde moderne est faite de frontières géographiques de plus en plus rigides et ordonnées. En parallèle, ces frontières se font pourtant de plus en plus friables, puisqu’il n’y a rien de plus facile aujourd’hui que de les franchir à l’aide d’un téléphone, d’une connexion Internet, d’un avion ou d’un train. Problème, si l’accès à l’étranger n’a jamais été aussi simple, la rencontre de « l’autre » n’a rien d’évident.

C’est presque devenu une lapalissade. L’avènement des technologies de communication, dont l’un des premiers buts est de « mettre en contact », distend les liens entre les gens. L’explication tient en quelques mots : perpétuellement sollicité, sur-connecté, l’individu moderne résiste mal à la tentation de parler de lui. L’explosion des réseaux sociaux en est l’illustration la plus flagrante. Le problème, c’est que si le nombre de ses interventions et de ses interconnections avec les autres a augmenté en flèche, ces « prises de parole » sont souvent centrées sur lui, et percent difficilement les couches superficielles. D’où l’impression d’un dialogue de sourd géant, où rien d’intéressant n’est dit.

Sociologue à l’université de Rabat, Noureddine Affaya avance que « l’art a cette capacité de révéler le local, d’indexer le particulier en l’ouvrant et en l’étalant sur les voies sublimes de l’universel ». Il échappe aux cadres diplomatiques, économiques ou technologiques dans lesquels sont moulés la plupart des relations entre les gens. Emane d’ailleurs et s’adresse à une autre région du cerveau.

C’est pour réfléchir à la notion d’universalité de l’art qu’a par exemple été organisée la quatrième édition du dialogue des cultures il y a peu à Aix-en-Provence, intitulée « L’art comme carrefour des cultures ». De nombreux auteurs, artistes, philosophes et sociologues venus des quatre coins du monde étaient réunis pour croiser et approfondir leur réflexion sur le sujet.

Plus pragmatique, l’homme d’affaires et mécène Eric Cormier a quant à lui mis sur pied une exposition itinérante nommée « Dialogue et paix entre les civilisations ». Ayant pour thème principal la calligraphie et réunissant des artistes tels que Payraud, Drea, Breteau, Oudriki, Drissi ou Darari, elle illustrera la façon dont l’art communique en filigrane entre les cultures, tisse des liens souterrains entre les peuples.

Ces évènements, en plus de poser des pistes de réflexion intéressantes, constituent autant de pieds de nez à la doxa ambiante. Bulles de résistance au monde du chacun pour soi, elles montrent que malgré les mutations constantes de notre société, l’art, s’il évolue lui-aussi, réalise toujours aussi bien la mission de partage dont il est investit.

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