Sorti aux États-Unis le 27 janvier et en France le 23 juillet, « Sorry, Baby » est le premier film de la réalisatrice américaine Eva Victor. Il met en scène le portrait morcelé d’une jeune femme victime d’un viol. Huit ans après le début du mouvement #MeToo, ce long-métrage jette de nouvelles lumières sur les agressions sexuelles toujours au cœur des débats sociaux.
« Sorry, Baby » est le premier film de la réalisatrice américaine Eva Victor. Il a été présenté au Festival Sundance, fin janvier – début juillet 2025, où il a reçu le prix Waldo-Salt du scénario. Il a également clôturé la Quinzaine des Cinéastes à Cannes, mi-mai dernier. Distribué par A24, le long-métrage est sorti aux États-Unis le 27 janvier 2025 et en France le 23 juillet.
« Sorry, Baby », c’est l’histoire de deux amies qui se retrouvent après une longue séparation, mais sont confrontées à un drame
Eva Victor y joue le rôle principal, celui d’une jeune femme victime d’un traumatisme. En effet, Sorry, Baby relate le parcours morcelé d’Agnès, une jeune doctorante et professeure à l’université, dans sa Nouvelle-Angleterre. Son amie Lydie (incarnée par Naomi Ackie), venue de New-York pour lui rendre visite, va l’aider a briser sa routine solitaire, après une longue séparation.
Les anciennes colocataires partagent à nouveau leur quotidien, mais celui-ci est marqué par la tristesse incompatible d’Agnès et sa tentative de reconstruction. Il faudra atteindre un certain temps pour comprendre ce qui a bien pu lui arriver.
Dans « Sorry, Baby », la réalisatrice choisit de ne pas filmer la scène du viol
Agnès finit par se confier. Elle a été victime d’une agression sexuelle lors d’un rendez-vous avec son directeur de thèse. Un jour, alors qu’ils devaient se rencontrer à l’université pour travailler, celui-ci décale la réunion à la dernière minute chez lui. C’est là-bas que le drame a lieu. Pour cette scène, la réalisatrice a choisi de ne pas montrer l’intérieur du domicile et l’acte de viol. La caméra reste donc dehors, tout comme le spectateur. Eva Victor choisit de filmer immobile la maison, à la manière d’un time lapse. On voit le soleil se coucher et les heures défiler.
Le directeur de thèse se faisait insistant
Au bout d’un long moment, Agnès sort, silencieuse, pour remonter dans sa voiture, tandis que son agresseur la regarde s’en aller, depuis le pas de sa porte. Elle explique à son amie que le directeur de thèse (Louis Cancelmi), avec qui elle partageait un flirt léger, se faisait insistant. Malgré ses multiples refus, il l’a déboutonnée et déchiré son pantalon pour coucher avec elle. La jeune femme a essayé de se dégager, mais a senti sa colonne vertébrale se refroidir. Elle ne se souvient plus du reste…
Agnès se pose mille et une questions
Agnès se rend à l’hôpital chercher un kit de viol et signale les faits à la direction de l’université. Celle-ci agit pour se protéger et ne fait rien. Ce qui provoque une indignation résignée de la victime. Toutefois, lorsqu’on lui demande plus tard si elle a porté plainte, la jeune femme répond non, car elle ne veut pas qu’il aille en prison.
Est-ce que cela vaut vraiment la peine de porter plainte ? La procédure ne sera-t-elle pas longue, coûteuse, bouleversante et potentiellement dévastatrice pour elle ? Agnès se pose mille et une questions. En même temps, elle essaie de vivre avec ce traumatisme que lui a fait subir son directeur de thèse.
« Sorry, Baby » a développé son propre langage
Tout au long du film, Agnès et Lydie évitent de prononcer les mots « agression sexuelle » et « viol ». Elles leur préfèrent le terme « bad thing » (« mauvaise chose »). C’est le médecin qui prononce les mots, avec bien moins de tact. « Je n’ai pas envie que les gens soient effrayés, mon film est censé nous tenir la main quand on le regarde », explique Eva Victor au Time sur ce choix de narration.
La cinéaste non-binaire (ni femme ni homme, donc s’identifiant au pronom « iel ») dit avoir voulu créer « son propre langage » dans une société qui ne dispose certainement pas « de tous les mots nécessaires pour parler de ce sujet ».
Huit ans après le déclenchement du mouvement #MeToo
Pour Eva Victor, « chaque expérience de traumatisme sexuel est différente, et chacun mérite de pouvoir s’exprimer sur sa propre expérience. ». La réalisatrice de 31 ans dit avoir écrit le scénario à une époque où, traversant une situation similaire à celle de son héroïne, elle aurait aimé regarder ce genre de film pour se réconforter.
C’était en 2019, en pleine pandémie de Covid, isolée dans l’État du Maine à cause de la quarantaine. C’était aussi deux ans après l’éclosion du mouvement #MeToo, qui visait la libération de la parole des victimes de violences sexuelles, suite à l’affaire Harvey Weinstein.