Comment le podcast est devenu un incontournable du monde du luxe ?

En plein essor depuis 2018, le podcast a conquis la quasi-totalité des grandes maisons de luxe, de LVMH à Hermès en passant par Chanel. Aujourd’hui, il s’agit pour elles d’un indispensable de leur palette d’outils digitaux, touchant un public à la fois jeune et diplômé, en quête d’immersion et d’authenticité. 

« Un air de légèreté ». C’est le titre de la nouvelle série de podcasts dévoilée par Hermès, en mars dernier. Le concept est étonnant : il donne la parole, sous forme de monologues, à des « témoins inattendus » du quotidien de la marque, souvent des objets aussi banals qu’iconiques. C’est ainsi que, sur un ton décalé, Hermès donne vie à une barre d’obstacle devenue commentatrice de son concours hippique de sauts ou la grande aiguille d’une montre de sa collection.

D’ailleurs, en matière de podcast, Hermès n’en est pas à son coup d’essai. La maison de luxe française s’était lancée dès 2018, dans le récit audio à travers un projet intitulé « Le Monde d’Hermès », disponible sur toutes les plateformes de streaming. Peu de temps après, Chanel lançait « 3.55 », sa série conçue comme une audiothèque plongeant l’auditeur dans les coulisses de la création et les ateliers des métiers d’art. Le leader mondial du secteur, LVMH, proposait pour sa part ses « Confidences particulières » de femmes et d’hommes qui témoignaient de leur travail passionné au sein du groupe.

Il y a encore quelques années, les grandes maisons de luxe n’avaient pas forcément pris conscience du potentiel de cet outil en matière d’influence et de marketing. Elles demeuraient pour la plupart réfractaires à investir dans un produit non-visuel, inadapté à la vente in fine de produits esthétiques. Elles continuaient donc à miser avant tout sur des projets et des supports physiques pour nourrir leur story telling : c’est ainsi que Le Palais Galliera accueillait la rétrospective Martin Margiella en 2009 ou que les maisons Chanel, Dior et Louis Vuitton publiaient chacune un bilan de leurs histoires sous la forme d’un beau livre au tournant des années 2020. Le contenu physique et visuel demeurait inévitable pour nourrir l’image de marque des grands noms de la mode.

Aujourd’hui, c’est le contraire : tandis que les livres se raréfient au profit d’expériences immersives dans les réalités virtuelles, rares sont les grandes marques de luxe à ne pas disposer d’une série de podcasts pour offrir à leurs aficionados une expérience toujours plus complète.

Immersion et intimité : l’exemple LVMH

L’intérêt des maisons de luxe pour le podcast est évidemment lié au marché croissant que ce dernier représente. 3,4 millions de Français se disent « amateurs » de podcasts, selon une récente étude menée par l’agence de communication Havas. Parmi eux, une majorité de cadres et surtout de jeunes : 58 % des auditeurs de podcasts ont moins de 35 ans, selon la même étude.

LVMH est l’un des premiers groupes du secteur à avoir exploré les potentialités de ce format. « C’est le média de l’émotion et de l’attention, presque de l’introspection », expliquait l’an dernier au journal Les Échos, Isabelle Albohair-Bénel, fondatrice du studio « Les Artisans du Podcast ». Et d’ajouter : « Dans ce contexte, le luxe peut raconter de belles histoires et captiver son audience ». C’est peu ou prou ce qu’a proposé LVMH avec « Confidences particulières » (2018), puis avec « Tips to the Top » (2020), une série d’entretiens avec douze collaboratrices comptant parmi les plus influentes du groupe, qui racontent leurs quotidiens faits de réussites et de doutes. Dans la même veine, Dior a animé des « Talks » jusqu’à la fin d’année dernière, donnant à la fois la parole à des membres de sa direction de la création comme à ceux qui inspirent la marque.

Outil parmi d’autres de l’“e-luxperience”

Si, pour l’heure, aucune des marques du groupe LVMH n’a annoncé de nouveau projet de podcast, nul doute qu’elles continueront à se raconter par ce biais. En effet, le format semble désormais faire partie intégrante de l’« e-luxperience » qu’entendent offrir les grandes maisons de luxe à leurs clients. « Elles sont entrées dans l’ère digitale expérientielle, plus immersive et interactive, devant offrir des moments uniques et mémorables (…) pour se différencier de la concurrence », indique le blog spécialisé MBA-MCI, édité par l’Institut Léonard de Vinci.

Bien sûr, en matière d’immersion dans l’univers et les coulisses du luxe, le podcast détrônera difficilement la vidéo. Pour le lancement de son nouveau parfum « Flora Gorgeous Gardenia » en fin d’année dernière, Gucci a par exemple créé un monde virtuel dont une partie en réalité augmentée. Les clients de la griffe florentine pouvaient, ainsi, en se promenant dans un univers féérique, découvrir les ingrédients, l’histoire et les procédés utilisés pour la conception du parfum.

En définitive, le podcast pourrait avoir vocation à se pérenniser en tant que caution « authenticité » de l’expérience digitale offerte par les marques de luxe. À l’heure où les géants du secteur investissent de plus en plus le « Web3 » – Blockchain, NFT, Metaverse… –, quoi de plus authentique, en effet, qu’une plongée sonore dans un atelier de haute couture, ou dans les coulisses d’un défilé ?

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