Des sages-femmes se mettent à nues pour défendre leur maternité

Sur le calendrier, elles posent en petite tenue dans les salles de travail : des sages-femmes de la maternité des Lilas n’ont pas hésité à se dénuder pour protester contre la « fermeture » de ce lieu emblématique de la défense du droit des femmes.

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« La maternité des Lilas est à nu, en difficulté, alors voilà on se met nous aussi à nu », plaisante Marie Lormier, sage-femme depuis deux ans et demi dans cet établissement de Seine-Saint-Denis.

« On s’est dit : +faire un calendrier, c’est plutôt rigolo+. On s’est retrouvées à une sortie de garde à onze sages-femmes et on l’a fait », raconte-t-elle. Ce calendrier sera vendu dès ce weekend pour 15 euros afin de « défendre notre cause et attirer les regards sur nous », explique Karima Ben Akli, gynécologue-obstétricienne, seul médecin à avoir tombé la blouse.

Sur la photo, la gynécologue cache sa silhouette élégante derrière un appareil d’échographie, dont elle tient la sonde en l’air. Sur une autre, les sages-femmes font leur réunion de service autour d’une table, cachant leur poitrine derrière un registre de naissances ou un électrocardiogramme.

Les clichés ont été pris par un photographe amateur, le kiné de la maternité, et se veulent « pudiques », « humoristiques » plus qu’érotiques, insiste le médecin. « Il faut qu’on montre nos nibards pour que les médias accourent », ironise d’ailleurs une employée de la maternité alors que les journalistes défilent dans la petite maternité coincée entre deux immeubles d’une rue étroite.

Marie Lormier précise d’emblée qu’elle n’adhère « pas forcément » au mode de revendication des Femen, un groupe féministe connu pour les actions seins nus de ses militantes. La jeune sage-femme a refusé qu’on voie son visage, et elle pose donc de dos, fesses nues derrière un tablier bleu pâle, tout en installant une perfusion à une parturiente, incarnée par l’une de ses collègues qui réprime un fou rire.

Pilule, avortement, combat pour l’accouchement sans douleur et pour la liberté de choisir comment mettre son enfant au monde : la maternité des Lilas, qui doit fêter ses cinquante ans en 2014, est un lieu emblématique de la lutte pour le droit des femmes.

Mais ses locaux, vétustes et exigus – de nombreuses chambres n’ont ni toilettes ni salle de bains -, et la forte demande pour l’accompagnement très personnalisé qui fait sa spécificité, nécessitent un déménagement.

Une reconstruction sur 5.000 m2 dans le même quartier, ce qui permettrait d’accueillir plus de femmes alors que la maternité refuse du monde, avait été obtenue de haute lutte il y a un an. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait affirmé qu’il serait « très heureux et très fier » de venir inaugurer les nouveaux locaux s’il était élu.

Mais en juin, l’Agence régionale de santé (ARS) a douché les espoirs. Pour des raisons financières, elle propose désormais de transférer la maternité dans 1.500 m2 de locaux désaffectés de l’hôpital intercommunal (CHI) de Montreuil, non loin de là.

« Cela signe très rapidement la fin de la maternité des Lilas puisque ça représente un transfert de nos lits vers le CHI de Montreuil pour augmenter son activité et le rendre plus rentable, lui qui est en grande difficulté financière », dénonce Marie-Laure Brival, chef du service gynécologie-obstétrique. « Il y aura des coupes franches dans le personnel, un plan social, et surtout le centre de planification familiale et d’orthogénie (qui pratique les IVG) disparaît ! », s’indigne-t-elle.

La médecin regrette « la déshumanisation de la santé à laquelle nous assistons dans ces grosses restructurations » aux antipodes de la philosophie de sa maternité. « Il y a déjà un gros problème d’accès à l’IVG en Seine-Saint-Denis, c’est donc un vrai problème de santé publique », ajoute Marie Lormier.

Le personnel et des familles avaient campé plusieurs jours devant le ministère de la Santé en juin, et une manifestation est prévue le 21 septembre aux Lilas.

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