La Grande Chambre de la CEDH a confirmé jeudi une décision antérieure selon laquelle Caster Semenya, championne olympique sud-africaine du 800 mètres, n’avait pas eu droit à un procès équitable devant le Tribunal fédéral suisse en 2020. Cette décision donne à l’athlète une lueur d’espoir pour revenir à la compétition. Mais ce retour sera compliqué à cause des règles actuelles de World Athletics en matière d’équité sportive.
Bientôt la fin du tunnel pour Caster Semenya ? La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué jeudi, par 15 voix contre 2, en faveur de la championne olympique sud-africaine concernant une décision antérieure devant le Tribunal fédéral suisse. Elle a estimé que la Cour « n’avait pas réussi » à lui accorder un « contrôle judiciaire rigoureux en 2020. En d’autres termes, la Grande Chambre considère qu’on lui a refusé son droit à un procès équitable.
Mettre en relation la rigueur du contrôle juridictionnel avec les droits individuels
Dans leur verdict, les juges ont affirmé que « la rigueur du contrôle juridictionnel effectué par la seule juridiction compétente pour examiner les sentences arbitrales, le Tribunal fédéral suisse en l’espèce, doit être mise en relation avec l’importance des droits individuels en jeu ». Or, ajoute-t-ils, l’examen de cette affaire n’avait « pas satisfait à cette exigence de rigueur particulièrement requise dans de telles circonstances », au regard de l’article 6, section 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La décision de la chambre ne remet pas en cause les exigences de World Athletics
La chambre ne s’est toutefois pas prononcée sur le fond de l’affaire, notamment sur la question de savoir si Caster Semenya avait été victime de discrimination devant un tribunal suisse. Aussi, elle ne remet pas en cause ni n’annule les exigences de World Athletics. Néanmoins, la décision de jeudi pourrait bousculer les règles de l’organisation sur le DSD, qui ont interdit Caster Semenya de toute compétition depuis 2019. En attendant cette hypothétique issue, l’affaire Semenya peut être renvoyée devant les tribunaux suisses pour réexaminer son appel contre ces règles sur la testostérone.
Caster Semenya satisfaite du verdict
À sa sortie de la Cour européenne des droits de l’homme, basée à Strasbourg, en France, Semenya a déclaré aux journalistes qu’elle était satisfaite du verdict. « C’est un rappel aux dirigeants. Les athlètes doivent être protégés », a-t-elle également souligné. « Avant de réglementer, nous devons respecter les athlètes et faire passer leurs droits en premier. », a insisté la double championne olympique du 800 mètres et triple champion du monde, aujourd’hui âgé de 34 ans. Semenya mène actuellement une carrière d’entraîneur. Elle coach des athlètes en devenir.
La performance éclatante de Caster Semenya en Allemagne en 2009 a troublé les dirigeants de l’athlétisme
Les ennuis de Caster Semenya ont débuté en 2009, alors qu’elle avait 18 ans. C’était à l’occasion d’une compétition d’athlétisme en Allemagne. La Sud-africaine, alors inconnue de tous, avait dominé un peloton des meilleures coureuses de la planète de l’époque pour remporter le titre mondial, et cela sans suer. Cette performance a attiré l’attention des instances de l’athlétisme, qui ont mené des tests et découvert qu’elle avait un niveau naturel de testostérone bien plus élevé que la moyenne féminine.
Baisser son taux de testostérone ou ne plus compétir
On lui avait alors demandé de prendre des médicaments pour abaisser ce taux et concourir équitablement avec les autres femmes. Semenya a refusé de modifier artificiellement ses hormones et a continué de courir malgré la bataille juridique qui s’était enclenché. En 2016, aux Jeux olympiques d’été de Rio, elle a relancé la controverse sur le 800 mètres féminin en s’imposant très facilement. Pis, le podium se composait de deux autres sportives confrontées au même problème : la Burundaise Francine Niyonsaba (argent) et la Kényane Margaret Wambui (bronze). Toutes trois font l’objet d’une attention particulière concernant les règles de DSD.
Caster Semenya est née avec le chromosome XY masculin
Les DSD, différences de développement sexuel (DSD), sont un ensemble de troubles hormonales qui rendent floue la frontière entre les genres masculin et féminin. Elles n’ont rien à voir avec le phénomène transgenre, qui est une transformation non biologique. Souffrant de ces troubles intersexes, Caster Semenya est née avec le chromosome XY masculin typique et des traits physiques féminins. Ainsi, elle a un taux de testostérone supérieur à la moyenne féminine. Ce que World Athletics considère comme un avantage injuste, comparable à celui des hommes face aux femmes.
Le cas Caster Semenya pourrait servir de référence à d’autres sports
À l’aulne de cette opinion, on ne comprend pas trop pourquoi les athlètes souffrant de DSD ne peuvent pas compétir avec les femmes, alors que les femmes transgenres ont ce droit. Il y a là une injustice à régler… Quelle que soit son issue, le cas de Caster Semenya devrait servir d’aiguillon à d’autres sports concernant les athlètes féminins à la carrure ou aux performances proches de celles des hommes. Notamment dans la boxe, où la médaillée d’or olympique algérienne Imane Khelif et la championne olympique taïwanaise Lin Yu-ting sont soupçonnés d’être des hommes. Ce même problème existe à la natation et au football.