Le « burnout féministe », ce phénomène inévitable

L’association «Féministes contre le cyberharcèlement» a déclaré le 11 juillet 2019 qu’elle cesserait d’accompagner les victimes. Dénonçant le manque de moyens et d’implication gouvernementale, elle est la deuxième association féministe à baisser les bras suite à un épuisement évident de ses cybermilitantes.

Anaïs Bourdet a été la première à baisser les bras d’épuisement. Son Tumblr Paye Ta Shnek a été désactivé en juin dernier après sept ans d’existence. La jeune femme a fini par s’épuiser face à un gouvernement et une opinion publique trop laxiste sur l’importance du sujet : « Je n’y arrive plus. Je n’arrive plus à lire vos témoignages et les digérer en plus des violences que je vis dès que je mets le pied dehors. », a-t-elle déclaré.

Moins deux

Lancé dès 2007, Paye Ta Shnek était devenu un incontournable du militantisme féministe contre le harcèlement de rues, les agressions sexuelles et le cyberharcèlement à l’égard des femmes. Des milliers de témoignages y ont été retranscris, mettant en avant la violence que les femmes vivent au quotidien. Il s’agissait de rendre visible cette violence ordinaire et trop peu considérée, même après le mouvement #MeToo.

Le 11 juillet dernier, l’association Féministe contre le cyberharcèlement (créée en 2016) a, de son côté, annoncé qu’elle cessait d’accompagner les victimes. « Nous avons puisé dans les dernières onces d’énergies dont nous disposions pour faire notre travail en toute sûreté pour nous et en toute efficacité pour les victimes » constatait l’association dans un communiqué. L’association s’était fait connaître par sa campagne #TwitterAgainstWoman qui visait à dénoncer le cyberharcèlement et le laxisme de Twitter quant à sa gestion de la modération des messages de haine.

Sous le hashtag #PayeTonBurnOutMilitant, les 5 militantes de « Féministes contre le cyberharcèlement » ont rappelé qu’elles ne pouvaient remplacer, sans aide ou soutien (notamment financier), des structures publiques défaillantes ou inadaptées. « #FatigueSystématique organisée passivement voire activement par les autorités publiques », a publié l’association sur son compte Twitter FéministesVsCyberH le 11 juillet.

C’est ainsi qu’en l’espace de deux semaines seulement, deux piliers français de la lutte pour les droits et la sécurité des femmes ont disparu, d’épuisement.

« Un manque de mobilisation politique »

Le 3 juillet 2019, à Saint Denis, une jeune femme de 20 ans enceinte de trois mois est décédée sous les coups de son conjoint alors qu’elle avait porté plainte la veille au commissariat.

La Fondation des femmes interpelle régulièrement Emmanuel Macron et l’État sur l’urgence de la situation. Mais les moyens mis en place, notamment financiers, ne sont pas suffisants, selon cette association. En 2018, 79 millions d’euros ont été débloqués alors que 506 millions avaient été réclamés pour faire le nécessaire et freiner le nombre de féminicides.

« Il y a un manque de mobilisation politique au plus haut sommet de l’État. S’il n’y a pas quelqu’un pour dire aux agents de la fonction publique que la priorité c’est la lutte contre les violences, d’autres priorités vont arriver » , explique Caroline Haas, porte-parole de l’association Osez le féminisme.

Au 9 juillet 2019, le collectif « Nous Toutes » indiquaient sur son compte Instagram que 76 femmes ont été tuées depuis le 1er janvier de cette année en France, par leur compagnon ou ex-compagnon. Soit une femme tous les deux jours et demi.

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