Violences sexuelles : À quoi joue le gouvernement ?

En 2018, on ne peut décemment plus faire comme si le monde digital n’avait aucun impact sur nos vies. Alors que le gouvernement s’apprête à fixer l’âge du consentement sexuel des mineurs, il serait pertinent qu’il lutte également contre la pornographie en ligne, véritable fléau pour les plus jeunes.

Le 21 mars prochain, le gouvernement devrait dévoiler le contenu de son projet de loi sur les violences sexuelles. Parmi les mesures de premier plan, il en est une particulièrement attendue : celle relative à l’âge du consentement sexuel des mineurs, qui depuis quelques mois fait grandement débat en France. La raison ? Deux hommes de 22 et 28 ans ont récemment échappé à des poursuites pour viol, après des relations sexuelles avec des jeunes filles de 11 ans. La Toile, on s’en souvient, s’en était émue. Il fallait donc que le politique s’en empare.

Depuis fin 2017, les autorités compétentes en la matière et les membres du gouvernement débattent donc de la question. Tandis que le président de la République, Emmanuel Macron, et la secrétaire d’État chargée de l’égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa, se sont prononcés pour une limite « haute » de 15 ans, d’autres, comme la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, ou le procureur de Paris, François Molins, tablaient davantage sur 13 ans. Ce sont vraisemblablement les premiers qui auront le dernier mot. Vraisemblablement, car c’est la conclusion d’un rapport d’expert remis au gouvernement début mars.

Sept spécialistes de l’enfance, médecins et magistrats ont en effet planché pendant plusieurs mois sur tous les tenants et aboutissants de la problématique. Et sont même allés jusqu’à chercher du côté des neurosciences pour justifier leur propos. À l’arrivée, il reste des doutes — concernant notamment la tranche 13-15 ans —, mais le gouvernement doit choisir un chiffre, et le temps presse.

Pornographie en ligne

Une question, dès lors, se pose. Ce dernier souhaite-t-il réellement protéger les enfants comme il le prétend ? Car au-delà du choix de l’âge de leur consentement, il est un autre moyen de les préserver de ce « sexe sale » et non consenti ; un moyen qui existe depuis de nombreuses années sans que nos décideurs n’agissent. Le rapprochement de l’enfance et de la « matière » sexuelle débouche nécessairement sur le sujet de la pornographie en ligne ; et c’est là-dessus que les gouvernements auraient dû — il y a longtemps — agir en priorité.

Pour rappel, l’âge moyen à partir duquel un enfant est confronté pour la première fois à ces « violences sexuelles en ligne » est de 11 ans. La chose est connue depuis longtemps ; cela fait par exemple plusieurs années que l’association Ennocence — qui lutte contre l’exposition non voulue des enfants aux contenus violents et pornographiques — tente d’alerter les pouvoirs publics sur la question. Son cheval de bataille ? La dénonciation des sites de streaming illégaux, dont la ressource première, en général, provient de publicités violentes et pornographiques.

Celles-ci prennent la forme de fenêtres « pop-up » (« intempestives »), qui inondent lesdits sites illégaux, et sur lesquels les enfants se rendent régulièrement. « Le problème des publicités intempestives, c’est qu’elles sont faites pour saturer l’écran de l’utilisateur. Ce sont des stratégies marketing faites pour donner de la visibilité à des produits ou des pratiques qui ne sont habituellement pas commercialisés » expliquait Gordon Choisel, le président de l’association Ennocence, le 28 février dernier au JDD. Si « les adultes sont habitués à fermer rapidement les pop-up […] les enfants n’en ont pas forcément l’habitude » selon lui.

Psychologie de l’enfant

Problème : il ne faut pas être fin psychologue pour deviner qu’une confrontation répétée à des images de « sexe sale » provoque chez l’enfant de graves troubles. « Ils peuvent être choqués par ces publicités brutales et souvent obscènes », affirme en effet l’universitaire. Même son de cloche chez Ovidie, ancienne actrice et désormais réalisatrice de « documentaires X » : « Pour les garçons, la pornographie va influencer leur vision de la masculinité avec des normes de domination, d’ultra-virilité et de performance qui ne leur conviendront pas […] Pour les filles, on est sur quelque chose de plus intrusif et plus douloureux. »

Comment, dès lors, lutter efficacement contre ce fléau ? Pour la documentariste, qui vient de publier un ouvrage sur la question — intitulé « À un clic du pire » —, s’il ne faut absolument pas « culpabiliser » les parents, il convient en revanche de se tourner vers les politiques pour faire respecter la législation en matière de protection des mineurs. Car « la question n’est pas morale, elle est légale » selon elle ; « la vraie solution, dans l’urgence, c’est de demander aux politiques de géobloquer les sites qui sont responsables de tout ça. »

En d’autres termes : lutter contre les violences sexuelles « physiques », comme ce que l’on s’apprête à faire, est une chose, lutter contre son aspect psychologique en est une autre. Car en 2018, on ne peut décemment plus faire comme si le digital n’impactait pas notre quotidien. Combien d’enfants grandissent en se faisant une idée erronée du sexe, moment de partage ultime qui vire parfois à la domination et à la volonté de « faire mal » ? Il est temps que les politiques s’emparent de la problématique « sexe 2.0 ». Ceci, notamment, pour le développement d’une société plus respectueuse et altruiste.

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