Depuis quelques semaines, les témoignages se succèdent sur une nouvelle pratique de l’entretien d’embauche : le test du sac à main. Celui-ci consiste, pour un recruteur, à demander à une candidate d’ouvrir son sac pour juger de son organisation. Si cette méthode peut paraître originale, elle est totalement illégale et discriminante selon des spécialistes du droit du travail.
L’entretien d’embauche est un exercice clé de la vie d’une entreprise. Bien mené, il permet de trouver le bon collaborateur parmi plusieurs candidats. Pour s’assurer du choix du bon salarié, le recruteur multiplie les questions pièges, mais aussi use de stratagèmes parfois à la limite du légal. Comme « le test du sac à main », au cœur des témoignages de candidates sur les réseaux sociaux ces dernières semaines.
Le test du sac à main raconté par une jeune dame au Parisien
Une jeune femme, en particulier, a fait part de son expérience dans les colonnes du quotidien Le Parisien. En entretien pour un poste d’animatrice de vente, elle dit avoir été soumise au « test du sac à main », après les traditionnelles questions sur les compétences, expériences et qualités personnelles. « Au départ, c’était très classique. Nous avons parlé de ma capacité à travailler en équipe, de mon sens de la communication, de ma connaissance des produits, puis nous avons abordé mes qualités organisationnelles. Tout se passait bien et puis il m’a demandé s’il pouvait jeter un coup d’œil dans mon sac pour voir si tout y était aussi bien rangé que dans ma tête », relate-t-elle.
« J’ai cru à une blague »
Cette requête a laissé la jeune dame stupéfaite. Cependant, sous pression et en recherche d’emploi, elle a accepté, non sans malaise : « J’ai cru à une blague (…) J’avais besoin de ce boulot, j’ai accepté et j’ai été prise mais je ne décolère pas depuis », confie-t-elle. Plusieurs autres femmes ont fait des témoignages similaires depuis que le blog américain Ask a Manager a évoqué cette pratique pour la première fois. Cette technique, qui vise prétendument à évaluer l’organisation du candidat, interroge surtout sur le degré de soumission. Selon des experts du droit du travail, elle est totalement illégale et discriminante.
Le test du sac à main réalisé par des managers ou des chefs d’entreprise et non par des professionnels des ressources humaines
« Les textes sont très clairs : c’est totalement illégal (…) Aucune étude sérieuse n’associe la façon de ranger son sac à sa méthode de travail. (…) », relève Patrice Adam, président de l’Association française de droit du travail et de la sécurité sociale (AFDT). Le juriste affirme par ailleurs que « ce test est une véritable atteinte à la vie privée et constitue une discrimination sexuelle puisqu’il est rare qu’un homme se présente avec un sac. ». Si c’est illégal, pourquoi donc cette méthode se répand -t-elle ? Elie Toupart, consultante en recrutement, répond que le test du sac à main se généralise « tout simplement parce que, de plus en plus souvent, les personnes en charge du recrutement ne sont pas des professionnels des ressources humaines, mais des managers ou des chefs d’entreprise (dans 85 % des cas) ». Or ces derniers n’ont généralement reçu aucune formation en techniques de recrutement. Ils peuvent donc se rendre coupables de dérives, sans s’en rendre compte pour la plupart d’entre eux.
Le test du sac à main peut permettre au recruteur d’avoir accès à des informations médicales et confidentielles
Outre des problèmes juridiques, le test du sac à main soulève des questions éthiques. En effet, la fouille peut permettre au recruteur d’accéder à des informations médicales et confidentielles, qui pourraient être préjudiciables. Dans le cas de la jeune femme qui s’est confié au Parisien, le sac contenait des protections hygiéniques, un téléphone, ainsi que des antidépresseurs. La découverte de ces derniers auraient pu lui coûter cher. Heureusement, la candidate a eu le poste. Si l’histoire finit bien la concernant, ce n’est pas toujours le cas pour les autres postulantes. Pour lutter contre cette pratique, Patrice Adam conseille aux femmes de quitter l’entretien d’embauche dès que le recruteur demande à voir le contenu de leur sac à main. Mais cette décision n’est pas facile à prendre pour certaines car elles ont urgemment besoin d’un job.
Les élus et les entreprises peuvent se saisir du sujet
Une candidate confrontée à cette méthode peut aussi porter l’affaire en justice et réclamer des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée. Toutefois, en l’absence de preuves tangibles, ce sera sa parole contre celle du recruteur. Et rien ne garantit qu’elle obtiendra gain de cause. Face à ces possibilités limitées, Patrice Adam suggère que les élus et les entreprises se saisissent du sujet. Pour inciter les entreprises à agir, les salariés peuvent collectivement s’emparer du problème, selon lui. S’ils en ont connaissance, conclut l’expert, les collaborateurs doivent impérativement les signaler et interpeller la direction pour que celle-ci revoit ses techniques de recrutement.