L’art perdu de la concentration… dans un monde de distractions numériques

Nous vérifions nos téléphones portables toutes les 12 minutes*, à partir du moment où le réveil sonne jusqu’au coucher. Seulement voilà, de nombreuses études montrent et prouvent que ce type de comportements est nocif pour notre santé et par-dessus tout pour notre concentration. Il serait donc temps d’apprendre à appuyer un peu plus sur le bouton « pause »…

Une fragmentation constante de notre temps

Il est souvent difficile d’imaginer votre vie quotidienne, personnelle et professionnelle sans un smartphone, une tablette, une télévision ou tout simplement un ordinateur qui traîne dans un coin de la pièce. Ces appareils sont tout autant de distractions qui nous permettent de rester connectés en permanence et nous interrompent bien souvent dans les tâches que nous sommes en train d’effectuer. Cette fragmentation constante de notre temps et de notre concentration est aujourd’hui devenue quelque chose de normal, à laquelle nous nous sommes habitués avec facilité. Seulement voilà, ne sommes-nous pas en train de perdre notre capacité de concentration ?

La concentration : une lutte de tous les instants

Nous savons depuis longtemps que les interruptions répétées d’une tâche affectent la concentration. En 2005, des recherches effectuées par le Dr Glenn Wilson à l’Institut de psychiatrie de Londres ont révélé que les interruptions et les distractions persistantes au travail avaient un effet profond. Les personnes distraites par les emails ou les appels téléphoniques ont vu leur QI chuter de 10 points. Pour vous donner une idée de comparaison, les études sur les consommateurs de Marijuana montrent que le QI des personnes qui fument régulièrement chute de 5 points environ.  

Dans son livre The Shallow, Nicholas Carr constate : « Avant, m’immerger dans un livre ou un long article était facile. Mon esprit était pris dans le récit ou dans les tournures de la dispute, et je passais des heures à me promener dans de longs passages de prose. C’est rarement le cas aujourd’hui. Maintenant, ma concentration commence souvent à dériver après deux ou trois pages. J’ai la bougeotte, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J’ai l’impression d’être toujours en train de traîner mon cerveau vers le texte. La lecture profonde qui venait naturellement est devenue une lutte. » 

Nous vérifions notre portable toutes les 12 minutes

L’impact des interruptions sur la productivité individuelle peut être catastrophique. En 2002, une étude a montré qu’en moyenne, nous subissons une interruption dans ce que nous effectuons toutes les 8 minutes, soit environ 7 ou 8 fois par heure. Dans une journée de huit heures, cela représente environ 60 interruptions. Chaque interruption dure environ cinq minutes… soit environ cinq heures sur huit dans une journée de travail. Et s’il faut environ 15 minutes pour reprendre l’activité interrompue à un bon niveau de concentration, cela signifie qu’en réalité, nous ne nous concentrons jamais vraiment à 100 % ! 

D’autre part, une étude de l’Ofcom, l’autorité britannique de régulation des télécommunications, a révélé que les gens vérifient leur smartphone toutes les 12 minutes en moyenne et 71 % déclarent ne jamais éteindre leur téléphone portable quand 40 % d’entre eux vérifient leurs notifications dans les 5 minutes qui suivent leur réveil. En adoptant un comportement toujours « connecté », nous finissons paradoxalement par n’exister que dans un état d’alerte constant. Nous balayons le monde, sans réellement accorder d’importance et d’attention à rien. 

Multitâches ou « multi-activités » ?

Avec notre utilisation constante des réseaux sociaux, on peut clairement dire que nous avons atteint de nouveaux sommets en matière de multitâches… ou pas. En réalité, nous passons d’une activité à une autre sans même nous en rendre compte. Nous sommes plus agités et avons besoin d’être constamment sollicités. Cette adaptation physiologique, favorisée par notre comportement, est l’une des principales raisons de la faible concentration rapportée par tant de personnes. Le fait que nous en soyons la cause est, paradoxalement, une bonne nouvelle puisqu’elle nous redonne le potentiel de changer notre comportement et de récupérer les fonctions cérébrales qui ont été perturbées par notre vie, elle-même stimulée par le numérique. 

Une meilleure concentration rend la vie moins stressante

Cela va même plus loin que le simple fait de rester concentré. Des niveaux élevés et constants d’hormones de stress (dus à une sollicitation extrême) ont un effet inflammatoire et nuisible sur les cellules du cerveau, comme le suggère le psychiatre Edward Bullmore, dans son dernier livre, The Inflamed Mind. La dépression, tout comme l’anxiété, est un facteur connu d’anéantissement de la concentration.

Pour faire plus simple, une meilleure concentration rend la vie plus facile et moins stressante et nous permet donc d’être plus productifs. Effectuer ce changement dans nos vies signifie également réfléchir à ce que nous faisons pour saboter notre concentration personnelle. Il s’agit ensuite de mettre en œuvre des mesures qui amélioreront nos chances de mieux nous concentrer. Il faut donc réduire drastiquement les distractions et faire preuve d’autodiscipline dans l’utilisation des réseaux sociaux par exemple. 

Il faut environ trois semaines pour qu’un comportement répétitif devienne une habitude. Prendre une nouvelle habitude ne se fera donc pas du jour au lendemain et l’adaptation peut et doit être progressive. Vous pouvez par exemple commencer par désactiver les alertes du smartphone ou les applications de médias sociaux. Puis éteignez l’appareil pendant des périodes de plus en plus longues.

Pratiquez la concentration en trouvant des choses à faire qui vous engagent spécifiquement pendant un certain temps, à l’exclusion de tout le reste. On ne peut pas passer d’un état de distraction à un état de concentration instantanément, de la même façon que la plupart d’entre nous ne peuvent pas s’endormir dès que notre tête tombe sur l’oreiller. Cela prend un peu de temps et, avec de la pratique, devient plus facile à accomplir.

* Source : étude de l’Ofcom, l’autorité britannique de régulation des télécommunications

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