Et si la « slow TV » était l’avenir du petit écran ?

Slow life, slow TV… qu’est-ce donc que ces nouvelles expressions que l’on voit poindre sur les réseaux sociaux ? Tout droit débarqué de Norvège, le phénomène de la « slow TV » se résume à des programmes lents et longs, dans lesquels… il ne se passe pas grand-chose ! À l’heure où la télé-réalité est reine, la télé escargot joue les rebelles, et pourrait bien l’emporter. 

134 heures de programme, un succès d’audience en 2011 et un Norvégien sur quatre devant son poste de télévision. Il ne s’agit pourtant ni d’une compétition sportive ni du dernier épisode de Game of Thrones. Un peu plus d’un million de téléspectateurs avaient suivi avec passion le parcours d’une croisière allant de Bergen, au sud-ouest du pays, à Kirkenes, au nord. Un voyage particulièrement lent qui a duré plus de cinq jours. 

Plus longue diffusion télévisée jamais réalisée

Depuis le 31 janvier 2020, la chaîne publique NRK relance le concept et offre la plus longue diffusion télévisée lente jamais réalisée : neuf jours en Arctique autour du Spitzberg, la plus grande des îles du Svalbard. Ce programme est en train de devenir un véritable évènement du petit écran norvégien. Comme l’explique Thomas Hellum, l’un des responsables de NRK : « À travers 17 caméras, une abondance d’histoires et d’informations, toutes accompagnées de musique norvégienne et same, nous offrons aux téléspectateurs du monde entier le moyen le plus proche et le plus durable possible de vivre un voyage extraordinaire. Cette production est la plus lente – et en même temps la plus étonnante jusqu’à présent ». 

La télé-réalité, la vraie

La chaîne la plus regardée de Norvège n’en est pas à son coup d’essai en ce qui concerne ces programmes fous. En 2017, elle avait décidé de suivre une semaine durant la transhumance de rennes en Laponie. Pour Rune Moeklebust, directeur d’unité de programme chez NRK, « c’est de la télé-réalité au sens littéral du terme : quelque chose d’authentique, que l’on montre en temps réel et sans condensé ». Une autre réussite, le désormais célèbre tutoriel de tricot pour confectionner un pull-over : de la tonte du mouton au dernier coup d’aiguille… huit heures durant. Début 2000, la NRK avait également eu l’excellente idée de diffuser pendant toute une nuit… un feu de cheminée en continu. 

A contre-courant du binge-watching

Il faut croire que la Slow TV a d’ailleurs tapé dans l’oeil du géant Netflix qui s’est approprié le programme en 2014 en proposant son propre feu de cheminée : Fireplace for your home, dans laquelle un feu crépite, sur plusieurs épisodes. À contre-courant du phénomène de binge-watching (qui consiste à enchaîner les épisodes d’une série totalement addictive), la slow TV semble pourtant trouver de nombreux adeptes. Invitant à la contemplation plutôt qu’à la boulimie d’épisodes de 49 minutes, la Slow TV rencontre un public de plus en plus curieux. Plusieurs chaînes américaines sont déjà sur des adaptations des programmes norvégiens. 

En janvier dernier, une chaîne espagnole a même diffusé un trajet de train partant de Saragosse à Canfranc pour un total de 3h45 de programme « lent ». Pendant l’introduction de l’émission, on pouvait lire : « Ici commence le voyage. Voici une occasion de modifier le temps, de te laisser porter. De te détendre et de commencer l’année de façon différente. Sans te dépêcher. Lentement. C’est une nouvelle expérience ». En Suède, c’est un programme de 450 heures derrière une caméra filmant une rivière que traversaient des élans qui a vu le jour. 

En France, les chaînes de télévision semblent encore frileuses à adapter ce genre de programme. Entre les Marseillais aux Caraïbes et la Villa des coeurs brisés, les téléspectateurs devront encore probablement patienter quelques années avant de profiter de programmes plus doux, plus reposant et finalement, plus agréable.